CHAPITRE 17
Sur Hoth, comment appelle-t-on une tempête de neige fondue ? L’été !
Jacen Solo, quinze ans
La prison de l’Anakin Solo était identique à ce que Jaina avait imaginé. Une voûte caverneuse de duracier remplie de passerelles, de postes de contrôle et de scanners d’identité. Les cellules étaient alignées à la droite du Tunnel d’Accès Primaire, empilées les unes sur les autres sur cinq niveaux et sur trois rangées. Il devait y avoir des milliers d’unités et la lumière jaune qui se déversait à travers les portes de transparacier indiquait que la plupart d’entre elles étaient occupées. Localiser celle d’Isolder serait problématique et Jaina n’avait pas le temps de résoudre ce genre de problème. Si elle voulait conserver une chance de tuer son frère, elle devait le trouver avant qu’il ne le fasse et la moitié des équipes de sécurité de l’Anakin Solo étaient déjà la recherche de la Jedi.
Le cliquetis de bottes à talons frappant l’acier du pont résonna dans le couloir. Deux gardes apparurent, vingt mètres devant, sortant d’un petit corridor perpendiculaire indiquant la direction du POSTE DE CONTRÔLE DE L’INFIRMERIE. Jaina poussa sa prisonnière – un officier de la sécurité qui portait la combinaison de son StealthX – sur un côté, face aux gardes.
— Pas la peine de tenter ta chance, C.C., dit Jaina à voix basse en s’adressant à la femme en utilisant les initiales inscrites sur l’équipement de la GAG qu’elle lui avait pris. Si tu essayes, ne serait-ce que de les regarder, je vous tuerai tous et ça ne m’empêchera pas de faire ce que je suis venue faire. Compris ?
— Si je voulais faire une bêtise, je l’aurais faite au centre de traitement, répondit C.C. Je préfère rester en vie.
— Bien, dit Jaina. Je préfère aussi te laisser en vie.
C.C. mesurait un ou deux centimètres de moins que Jaina et était également plus fine. La combinaison de la Jedi était un peu ample pour elle, mais seul un pilote expérimenté aurait pu s’en apercevoir. L’uniforme de la GAG de C.C., en revanche, moulait tellement Jaina qu’il ressemblait à un vêtement qu’Alema Rar aurait pu porter : trop petit d’une taille et ajusté à tous les endroits inadéquats pour ne pas attirer l’attention.
Tandis que les gardes se rapprochaient de Jaina et de sa prisonnière, le bruit assourdissant d’un tir heurtant la coque résonna dans le vaisseau. Les lumières vacillèrent, s’éteignirent puis se rallumèrent, s’éteignirent de nouveau et revinrent encore à la normale. Les gardes jetèrent un coup d’œil nerveux au plafond puis leur anxiété parut disparaître et ils repartirent dans le couloir. Il aurait été exagéré de dire que l’équipage était devenu insensible au bruit des frappes de turbolasers qui touchaient leur Destroyer Stellaire, mais il s’y était bel et bien habitué. Il y avait eu une accalmie dans les explosions dans la demi-heure qui avait succédé à l’arrivée de Jaina à bord, puis l’Anakin Solo avait suivi le Megador et commencé à recevoir une pluie incessante de tirs. Malgré tous ses défauts, Caedus n’était pas un lâche.
Lorsque les deux groupes ne furent plus qu’à deux mètres l’un de l’autre, les gardes redressèrent les épaules et s’arrêtèrent. Jaina puisa dans la Force pour donner aux deux hommes l’impression qu’ils la connaissaient et qu’il leur arrivait de la croiser de temps en temps. C’était un risque calculé. Si son frère la sentait faire appel à la Force, cela pourrait lui donner une indication sur son emplacement. Mais si un garde suspicieux rapportait qu’une étrangère se promenait dans les alentours de la prison, cela l’attirerait à coup sûr, probablement accompagné d’une section de soldats de la GAG en renfort.
— Bonjour, capitaine, dit le plus grand des deux gardes, un homme aux cheveux d’un blond roux et à la forte mâchoire carrée qui lui rappelait les traits épais de Zekk. Pouvons-nous voir le bulletin d’affectation de la prisonnière ?
— S’il le faut, dit Jaina en renforçant son image d’officier de la GAG aussi pressé que les autres. (Elle fouilla dans une poche étroite et sortit le bulletin qu’on lui avait donné au centre de traitement quelques minutes plus tôt.) Faites vite. Je n’ai pas le temps.
Le garde regarda le bulletin et dit :
— Dans ce cas, vous avez de la chance d’être tombée sur nous. (Il désigna le couloir en direction d’un croisement que Jaina venait de passer.) Le pavillon des femmes est là-bas. Nous allons vous escorter.
— Je n’ai pas besoin d’escorte. Je sais où se trouve le pavillon des femmes. (Jaina fit un geste dédaigneux de la main pour que le garde ne fasse pas attention au ton suggestif de sa voix.) J’emmène d’abord la prisonnière à l’infirmerie. Elle doit être examinée.
Le garde se tourna vers son camarade.
— La prisonnière doit d’abord être examinée, dit-il. Nous allons escorter le capitaine à l’infirmerie.
Jaina ravala sa frustration.
— Je n’ai pas besoin d’escorte. (Cette fois, elle détourna leur attention en leur montrant le couloir d’où ils étaient venus.) Je sais où se trouve l’infirmerie.
Les deux gardes se renfrognèrent puis le plus petit des deux, aux cheveux presque noirs, dit :
— Elle sait où se trouve l’infirmerie, Dex.
Dex poussa un soupir puis lui rendit le bulletin.
— Merci, Madame. Faites attention. (Il montra le dôme argenté qui pendait du plafond.) Le système de surveillance est désactivé.
— Merci pour l’info. (Jaina eut une idée et ajouta :) L’index des prisonniers ne fonctionnait pas non plus. Vous pouvez me dire dans quelle cellule se trouve le Prince hapien ?
Les deux gardes froncèrent les sourcils et Dex demanda :
— Pourquoi voulez-vous le savoir ?
— Parce que...
Jaina ne termina pas son explication et tenta de tirer parti de son uniforme moulant en faisant un sourire mièvre. Le coup du flirt avait bien marché pour sa mère sur Coruscant et Jaina ne voyait aucune raison pour que cela ne fonctionne pas non plus ici avec elle. Elle haussa les sourcils.
— Il paraît qu’il est plutôt agréable à regarder, dit-elle.
Dex secoua la tête, agacé.
— Je ne pense pas pouvoir vous aider, capitaine.
Les deux gardes partirent sans attendre d’être congédiés, et Jaina se demanda alors ce que sa mère de soixante-six ans avait de plus qu’elle.
— C’était mielleux, fit remarquer C.C. Vous devriez vous en tenir à la Force.
— Je me suis débarrassée d’eux, non ? (Jaina repartit en tirant sa prisonnière dans le tunnel vers le poste de contrôle de l’infirmerie au cas où les gardes regarderaient en arrière.) Et comment sais-tu que je n’ai pas utilisé la Force ?
— Si c’était le cas, vous avez encore besoin de travailler, répondit C.C.
— Fais attention, la prévint Jaina. Il est encore temps de te tuer.
La menace fit rire C.C. puis elle demanda :
— Il s’agit donc de ça ? D’Isolder ?
— Évidemment. (Jaina s’arrêta à l’entrée du petit couloir menant à l’infirmerie et fit semblant de vérifier les menottes de C.C). Tu crois que les Jedi s’amusent à entrer dans les prisons pour le plaisir ?
— Non, je croyais que vous étiez là pour la Mandalorienne, dit C.C. J’ai entendu dire qu’elle travaillait avec une Jedi lorsque Caedus l’a capturée.
— Une Mandalorienne ? demanda Jaina. C’était sur Nickel Un ? (Comme C.C. hésitait, Jaina reprit :) Un Jedi peut te faire mal de bien des façons et la plupart sont si douloureuses que tu ne peux même pas crier.
— D’accord, c’est vrai. Elle était sur Nickel Un. Apparemment, c’est une parente de Boba Fett. (C.C. désigna du menton le poste de contrôle où un garde à l’air méfiant était assis dans la cabine et les examinait à travers un panneau de transparacier.) Elle est là-dedans. Il paraît que Caedus s’occupe personnellement de l’interroger.
Jaina se retrouva brusquement submergée par tant de colère et de culpabilité qu’elle crut qu’elle allait exploser. Mirta avait survécu. Et Jaina l’avait abandonnée, exactement comme l’avait laissé sous-entendre Fett lorsqu’il était venu lui rendre visite à l’hôpital. Peu importait qu’il était inconcevable que Mirta soit vivante, ou que Jaina était tellement blessée et hébétée qu’elle n’agissait pas de façon sensée, ou qu’une tentative d’extraction lui aurait coûté la vie.
Jaina avait abandonné un camarade blessé. Pour un commando mandalorien, il n’y avait que ça qui comptait ; et pour Fett, une seule chose importait : il s’agissait de Mirta.
— Kriffing de mandaloriens ! dit Jaina en frappant le mur du tunnel de la paume, ce qui entraîna un regard mauvais de la part du garde dans la cabine du poste de contrôle. Je n’ai pas le temps pour ça !
— Heu, alors désolée d’en avoir parlé, dit C.C. qui paraissait véritablement effrayée. Mais si vous allez chercher Isolder, mon empreinte de pouce ne vous aidera pas. Il est dans le Bloc C, quartier de haute sécurité, et vous allez donc devoir vous battre pour y entrer. Vous pourriez peut-être me jeter dans ma cellule d’abord.
— Je pourrais, dit Jaina avant de pousser C.C. dans le couloir vers le poste de contrôle de l’infirmerie. Si tu ne mens pas pour la Mandalorienne.
Elle aurait dû oublier que C.C. avait parlé d’une prisonnière mandalorienne. C’était ce que Fett, voire peut-être même Mirta, auraient fait à sa place. Mais Jaina était une Jedi, pas un assassin. Elle ne pouvait pas tourner le dos à une alliée, même à une simple alliée de circonstance.
Kriffing de Mandaloriens. Ils étaient comme des Hutts : une fois qu’ils vous avaient planté leurs griffes, ils ne vous laissaient pas partir.
Au poste de contrôle, Jaina fit tourner sa prisonnière et s’approcha du clavier de sécurité pour tendre la main qui tenait le bras de C.C. vers le scanner de pouce. Grâce à la Force et un tour de passe-passe, elle empêcha le garde de voir quel doigt touchait vraiment le clavier et il cessa d’être méfiant lorsque la cabine de scan s’ouvrit.
Une fois qu’elles furent à l’intérieur, il activa un intercom et demanda :
— Autorisation ?
— Je n’en ai pas, dit Jaina. Je dois seulement vérifier qu’elle n’a pas été blessée lors de son éjection avant que nous l’interrogions.
Le garde acquiesça et lança le scan. Il tressaillit à peine lorsqu’un bruit d’explosion due à une frappe légère parcourut le vaisseau. Aucun des objets de la ceinture d’équipement de Jaina ne parut le gêner, mais il fronça les sourcils et montra la poche étroite dans laquelle elle avait fourré son sabre laser.
— C’est quoi ?
— Un tube lumineux de forte puissance, dit Jaina en sortant l’arme de sa poche et en collant l’embout contre le transparacier devant ses yeux. Vous voulez que je vous montre ?
— Non. (Comme le garde ne voulait pas être aveuglé par la lumière puissante, il détourna aussitôt les yeux et appuya sur un bouton de son panneau.) Allez-y, je vous en prie, capitaine. Vous savez où se trouvent les salles d’examen.
La porte s’ouvrit en glissant et Jaina emmena C.C. dans l’aile de la prison qui servait d’infirmerie. Comme les autres parties du Tunnel d’Accès Primaire, c’était une voûte caverneuse de duracier comportant cinq étages de passerelles qui montaient jusque dans les hauteurs sombres qui les surplombaient. Mais chaque niveau semblait être destiné à un but précis.
Le plus bas, à peu près trois mètres sous le balcon où Jaina et C.C. venaient d’émerger, paraissait être à la fois une morgue et une zone de destruction des déchets. Un seul droïde noir à quatre bras, à l’ossature squelettique et aux photorécepteurs luisants d’une lumière verte, travaillait dans la fosse. Il sortait les déchets médicaux d’un tapis roulant et les mettait dans un incinérateur à fusion à l’ouverture blanche. Sur le mur au-dessus se trouvait une rangée de douze mètres carrés de tiroirs à cadavres, tous fermés et probablement pleins, car deux corps étaient allongés sur des lits de camp contre le mur.
Le niveau principal était celui des salles d’examen tandis que celui au-dessus avait tellement de garçons de salle poussant des lits flottants sur la passerelle qu’il ne pouvait s’agir que de celui des diagnostics ou de la chirurgie. Jaina emmena la prisonnière jusqu’à un tube d’ascenseur et découvrit deux destinations sur le panneau de contrôle : CELLULES DES PATIENTS au niveau quatre et PERSONNEL AUTORISÉ SEULEMENT au niveau cinq.
Jaina était encore en train de réfléchir lorsque C.C. dit :
— Cellules des patients. Ils ne laissent pas entrer le personnel médical à l’étage des interrogatoires et votre amie a besoin de soins. Elle ne sera pas dure à trouver.
Comme elle ne détectait aucune trace de tromperie dans l’aura de Force de C.C, Jaina appuya sur CELLULES DES PATIENTS et elles montèrent jusqu’au quatrième étage. La passerelle était assez peu fréquentée, et seule une poignée d’infirmières et de droïdes médicaux entraient et sortaient des cellules, généralement seuls, mais parfois accompagnés d’une escorte portant un bâton paralysant. À l’autre bout du couloir, deux gardes de la GAG se tenaient devant une porte fermée, des fusils blasters à la main.
Jaina estima qu’il devait s’agir de la cellule de Mirta et partit dans cette direction en poussant sa prisonnière devant elle. Elles longèrent plusieurs pièces ouvertes où des infirmières et des droïdes étaient penchés sur les panneaux d’accès situés dans la partie inférieure de lits de contention gris et massifs pour s’occuper de leurs patients. Par deux fois, elles passèrent devant des gardes qui, appuyés contre des portes, faisaient tourner leurs bâtons paralysants, l’air de s’ennuyer.
Personne ne fit attention à Jaina lorsqu’elle passa avec sa prisonnière, en partie parce que cela faisait cinq minutes qu’aucune déflagration n’avait secoué le navire. Soit la bataille tournait en faveur de Caedus, soit l’Anakin Solo était si endommagé que plus personne ne prenait la peine de lui tirer dessus. Jaina n’aurait pas parié sur cette dernière éventualité.
Après avoir parcouru les trois quarts du chemin sur la passerelle, Jaina devint certaine que personne ne leur prêtait attention. Elle étendit sa conscience dans la Force jusqu’à la cellule et découvrit, allongée à l’intérieur, une présence en colère et démoralisée.
Même si Jaina ne parvenait pas à sentir le lit sur lequel Mirta était allongée, elle savait qu’il était forcément là. Elle visualisa un lit de contention gris et massif semblable à ceux qu’elle avait vus dans d’autres cellules puis elle l’attrapa dans la Force et le secoua sans ménagement.
Un cri étouffé de surprise traversa la porte de Mirta et les gardes, surpris, se regardèrent. Jaina attrapa de nouveau le lit par la Force et en souleva les pieds du sol avant de les laisser retomber. Un grand bruit résonna, suivi d’un autre cri de surprise.
Le garde le plus proche appuya le pouce sur le clavier de sécurité puis entra dans la cellule alors que la porte n’avait pas encore fini de s’ouvrir. L’autre fronça les sourcils en direction de Jaina et C.C. qui n’étaient qu’à quelques mètres de la pièce et qui approchaient toujours.
Il s’avança pour leur bloquer le passage.
— Madame, je suis désolé, mais...
Jaina le projeta avec la Force à travers la porte, poussa C.C. dans la cellule derrière lui, puis elle les suivit et frappa le panneau de contrôle intérieur de la porte. Les gardes, surpris, se tournèrent pour lever leurs fusils blasters. D’une chiquenaude, Jaina fit voler l’arme du soldat le plus proche pour qu’elle aille heurter la tempe de l’autre. Elle enchaîna avec un coup de pied au menton du premier et les deux hommes s’effondrèrent, inconscients.
C.C. s’était glissée derrière elle et s’approchait de la porte. Jaina tendit le bras en arrière vers la femme et la prévint :
— Ne fais pas ça.
Elle se retourna et découvrit C.C., un mètre derrière elle, une main près du panneau de contrôle sur le mur. Sur les boutons, on pouvait lire : INTERCOM, LUMIÈRES, URGENCE PATIENTS ET ALARME. Avant que Jaina ait avancé vers elle, C.C. baissa le bras et dit :
— Ça va laisser une marque, n’est-ce pas ?
— Sans doute.
Jaina lui donna un coup de poing à l’articulation de la mâchoire puis la rattrapa lorsque ses yeux roulèrent en arrière et que ses genoux se dérobèrent.
— La noble jetiise, dit une voix étouffée derrière elle. Bienveillante même dans la victoire.
Jaina posa C.C. sur le sol près du deuxième lit, vide, de la cellule, puis se tourna vers Mirta Gev qui la regardait à travers le panneau d’accès de transparacier du premier. Elle ne ressemblait plus vraiment à la femme que Jaina avait rencontrée sur Mandalore. Ses yeux cerclés de rouge s’enfonçaient dans leurs orbites, sa peau était terreuse et ses cheveux bruns et bouclés étaient raides, plats et sales.
— Bonjour Mirta, dit Jaina tout en ramassant les armes et les comlinks des deux gardes qu’elle venait de frapper. Ça me fait plaisir de te voir. Je suis contente que tu sois encore en vie.
Mirta ricana et détourna le regard.
— Si on peut appeler ça comme ça.
Jaina se renfrogna en entendant l’amertume dans la voix de Mirta. Sans lâcher les armes et les comlinks, elle s’approcha du lit et donna un coup de genou dans le tableau d’accès. Quand le panneau s’ouvrit, elle vit que Mirta était allongée sur une mince couverture, les jambes tendues et le bras droit immobile. Son bras gauche était légèrement plié et Jaina avisa le contour de lourdes sangles qui lui entouraient la taille.
La Jedi posa les armes et les comlinks au pied du lit de Mirta tout en disant :
— Écoute, je suis désolée de ce qui s’est passé sur Nickel Un. (Elle baissa la couverture et défit les sangles.) Mais je te croyais morte.
— Ça aurait été sympa de vérifier, dit Mirta. Tu aurais pu me mettre un tir de laser dans la tête et m’épargner ça.
Mirta leva une main et montra son corps immobile, puis Jaina compris pourquoi seulement une main avait été attachée. Son cœur se serra.
— Ah... Mirta. Je suis tellement désolée. (Jaina secoua la tête. Elle était si triste qu’elle pouvait à peine soutenir le regard de la Mandalorienne et si frustrée qu’elle avait envie de tirer sur quelqu’un.) Je ne peux pas te faire sortir d’ici.
Mirta acquiesça.
— Je sais pourquoi tu es venue. La seule chose que je ne comprends pas, c’est ce que tu fous ici.
— Je me suis faite avoir.
Jaina désigna C.C. et se demanda si le capitaine de la GAG savait depuis le début que Mirta ne pouvait être secourue et qu’elle avait simplement tenté de faire perdre un temps précieux à la Jedi. Elle tira les autres sangles d’un coffre sous le lit et se mit à attacher les gardes inconscients au lit vide.
— Si je m’en sors, dit-elle, j’essaierai de revenir te chercher.
— Si tu t’en sors, je serai tellement heureuse que je n’en aurai rien à faire, dit Mirta, la tête tournée de façon à voir Jaina travailler. Mais tu dois savoir une chose. Ça pourrait t’aider avec Caedus.
— Merci, dit Jaina en tirant C.C. près des gardes et en se servant des sangles du lit vide pour l’attacher avec eux. Toute aide est bonne à prendre.
Mirta ne continua pas et Jaina s’aperçut que la Mandalorienne la considérait.
— Tu dois faire une chose pour moi, dit Mirta. Si tu survis, je veux dire. Tu dois me le promettre.
— Peut-être, dit Jaina avec prudence. (Elle savait qu’il ne valait mieux pas conclure ce genre d’accord à l’aveugle avec un Mandalorien.) À quoi penses-tu ?
— Tu dois prévenir Ba’buir, dit Mirta en utilisant le mot mando’a signifiant grand-père. Les Moffs ont pris un échantillon de mon sang et ils ont conçu un nanotueur pour lui.
Jaina acquiesça.
— Pas de problème.
Les yeux de Mirta devinrent aussi froids et morts que ceux de Fett.
— Et il faut que tu..., dit-elle d’une voix épuisée et brisée qui fit penser à Jaina qu’elle était en train de mener un combat intérieur. Que tu lui dises qu’il le mérite. Que ce qui m’arrive est à cause de lui.
Jaina fronça les sourcils.
— D’accord, je peux, Mirta. Mais tu n’as pas l’air dans ton état normal. Tu es sûre de vouloir que je dise ça ?
Mirta secoua la tête.
— Non, mais je ne peux pas m’en empêcher... je ressens cette colère... parce que ton frère a au moins eu raison à propos d’une chose. C’est à cause de lui !
— À cause de Caedus ? demanda Jaina qui ne comprenait pas bien ce que son frère avait fait à Mirta, mais qui pouvait deviner que c’était affreux. Ou Fett ?
— Ba’buir, dit Mirta avant de détourner le regard. (Il devint évident qu’on ne pouvait lui faire entendre raison.) Lui... il nous a envoyés en mission suicide. Promets-le !
— D’accord, si je le peux, dit Jaina. (De toute façon, Fett voudrait connaître la vérité et elle pourrait toujours l’atténuer en faisant état de ses doutes.) Je te le jure.
— Bien.
Lorsque Mirta reposa les yeux sur Jaina, son visage avait retrouvé une certaine paix triste, mais elle ne semblait pas reconnaissante. Loin de là. Elle leva le bras qu’elle pouvait bouger et le pointa sur un des fusils blasters que Jaina avait posés au pied de son lit.
— Et une dernière chose. C’est facile, dit-elle.
Jaina regarda le fusil et sut qu’elle ne pourrait pas accomplir sa part du marché.
— Non, Mirta, je ne vais pas le faire. Même si je ne le fais pas, je ne crois pas que ton grand-père croira vraiment...
— Jaina, ce n’est pas pour ça, dit Mirta en montrant les prisonniers que Jaina avait attachés au lit. Lorsqu’ils se réveilleront, je vais avoir besoin qu’ils restent silencieux pour toi.
Jaina poussa un soupir de soulagement puis posa les fusils blasters et les comlinks sur le lit, à portée de Mirta.
— Bien vu. Merci.
— De rien. Maintenant, ce que tu dois savoir à propos de ton frère... il te sous-estime.
— Ça n’a rien de nouveau, Mirta, dit Jaina. Ce n’est peut-être même pas vrai. Il est bien plus fort que moi dans la Force. Alors que je n’ai que cinq semaines d’entraînement de commando mandalorien.
— Et ça suffit pour faire le boulot, dit Mirta sur un ton de réprimande, comme un parent qui gronderait un enfant qui voudrait un troisième bol de frizgel. Enfin, sa faiblesse est de l’ordre du délire. Il est convaincu que tu n’as pas pu lui couper le bras ; en tout cas pas seule. Il croit que Luke était avec nous.
Jaina s’arrêta et se rappela du trouble de Caedus à la fin du combat. Elle se souvint aussi de son propre état, de la façon étrange dont sa poussée de puissance de Force s’était brusquement évanouie juste avant que Caedus ne dévie les tirs des stormtroopers.
— Peut-être que Luke était vraiment là.
Mirta secoua la tête.
— Non. J’étais consciente la plupart du temps et je ne l’ai pas vu. (Elle agita le blaster en direction de la porte.) Et maintenant, sors de là. Tu n’as qu’une heure avant la prise de mes prochains médicaments et, sans vouloir t’offenser, je ne veux pas partager ma chambre avec toi.
— Pas de problème. Nous finirions sans doute par nous entre-tuer. (Jaina donna une tape sur le bras de Mirta puis se tourna vers la porte.) Que la Force soit avec toi, Mirta.
— Ouais, c’est ça, Jedi, dit Mirta. Tire droit et cours vite.
Jaina sortit de la cellule et ferma la porte derrière elle. Avec un ongle, elle raya le lecteur d’empreintes de la console de sécurité puis partit sur la passerelle en direction du turbo-ascenseur.
Elle n’avait pas fait trois pas que le bruit étouffé d’un tir de blaster s’éleva à l’intérieur de la cellule de Mirta. Elle s’arrêta, le cœur serré par le choc et l’incrédulité, puis elle entendit deux autres tirs et comprit qu’elle n’aurait pas dû s’inquiéter pour Mirta.
Kriffing de Mandaloriens.
À travers la vitre de transparacier sans teint d’une cellule, lentille qui abolissait les inégalités, le célèbre Prince Isolder n’était pas si différent des autres hommes. Il était peut-être un peu plus grand, avait des épaules plus larges et des dents plus droites. Et son allure rigide, même alors qu’il était assis seul dans une cellule de duracier exigu, laissait deviner une absolue confiance en soi, une discrète dignité qui semblait lui donner de la force y compris dans les circonstances les plus désespérées et difficiles.
C’était un homme qui avait fait un mariage d’amour dans une culture qui se moquait de l’amour, un père qui avait élevé une fille Jedi dans une société qui méprisait les Jedi, un Prince qui avait toujours fait passer en premier les intérêts de ses sujets et sa vanité en dernier. En résumé, c’était un homme bon, possédant la sagesse de suivre son propre cœur et un entrain qui rendait le voyage digne d’intérêt.
Et Caedus aurait aimé croire que c’était pour cela qu’il avait tant de réticence à le tuer... mais il ne s’y trompait pas. Il hésitait parce qu’il n’était pas sûr qu’il s’agissait de la chose à faire.
En toute logique, il aurait dû laisser Lecersen et les Moffs s’amuser avec leur nanotueur. Éliminer Tenel Ka et Allana n’affaiblirait pas les chances de l’Alliance de remporter la bataille et cela pourrait même aider. Mais comment Caedus pourrait-il sacrifier sa propre fille pour que tous les autres enfants de la galaxie grandissent en sécurité ? La voie des Sith était celle de la douleur, il le savait, mais il ne voyait pas comment il pourrait laisser les Moffs tuer sa fille sans devenir un monstre encore plus mauvais que Palpatine ou Exar Kun.
La vie d’Allana pouvait-elle être le sacrifice que la Force exigeait pour la paix ? Pour faire de sa vision du trône blanc une réalité ?
Non, comprit Caedus. Allana était dans sa vision. Sans elle, il n’y aurait pas de trône blanc.
La boule de peur qui lui nouait l’estomac se détendit et il vit, avec une clarté nouvelle, ce qu’il avait à faire. Il devait arrêter les projets des Moffs à n’importe quel prix. S’il voulait apporter la paix à la galaxie, il devait sauver Allana, pas la sacrifier.
Le bruit assourdissant d’un tir heurtant la coque se réverbéra dans tout le vaisseau. Les lumières vacillèrent et s’éteignirent puis se rallumèrent avant de s’éteindre de nouveau et de revenir à la normale. Dans sa cellule, Isolder jeta un regard nerveux au plafond puis sembla se débarrasser de son anxiété avant de s’appuyer encore une fois contre le mur.
Caedus ouvrit la porte de la cellule, mais resta dehors. Isolder leva des yeux qui ne trahirent pas la surprise que Caedus percevait dans la Force.
— Jacen Solo, dit Isolder en restant délibérément assis. Je me demandais pourquoi je n’avais pas encore été interrogé. Visiblement, vous vous êtes réservé ce plaisir.
— Je m’appelle Caedus à présent, Prince Isolder. Dark Caedus. Et si vous n’avez pas été interrogé, cela n’a rien à voir avec le plaisir. Nous avons d’autres moyens de localiser la base Jedi, alors je ne voyais pas l’intérêt d’attenter à votre dignité.
Isolder laissa alors sa surprise se lire dans ses yeux.
— C’est très prévenant de votre part, dit-il. Je n’aurais jamais cru cela possible de la part d’un salaud de voleur d’enfants comme vous.
L’insulte fit tressaillir Caedus.
— Nous faisons tous des erreurs, dit-il en refoulant sa colère. (Il n’avait rien à gagner en exerçant des représailles et Isolder ne méritait pas d’être puni pour avoir dit ce qu’il croyait être la vérité.) Je suis certain que vous réévaluerez mon action le moment venu. À présent, si vous voulez bien venir avec moi.
— Je ne crois pas, dit Isolder. Quoi que vous...
— Ce n’était pas une demande. (Caedus utilisa la Force pour tirer Isolder de son lit puis il le fit marcher, en trébuchant, jusqu’à la porte.) Ne confondez pas mon respect avec de la faiblesse, Prince Isolder. Ce serait une des erreurs dont je viens de parler.
— Evidemment, répondit Isolder en retrouvant sa dignité en même temps que son équilibre. On dirait que je suis tout entier à votre disposition. Puis-je demander où vous m’emmenez ?
— Rejoindre votre équipage à bord du Coureur de Rayon, dit Caedus. Je crains que vous ne deviez partir au milieu de la bataille, mais nous sommes presque passés. Lorsque vous ne serez plus avec nous, vous devriez être en sécurité.
Isolder s’arrêta et se retourna.
— Vous me relâchez ? Pourquoi ?
— Parce que ma seule autre option serait de vous tuer, dit Caedus. Et je n’en ai aucune envie.
Isolder ne parut pas seulement sceptique, mais méfiant.
— Pour que je puisse vous mener jusqu’à la base Jedi.
— Nous savons déjà où elle se trouve, dit Caedus. Nous sauterons jusqu’à Shedu Maad dès que nous aurons échappé à la flotte de votre fille.
Le visage d’Isolder ne trahit aucune de ses pensées, mais Caedus sut grâce à la déception dans l’aura de Force du Prince que ses analystes avaient vu juste à propos de la destination des transports qui avaient quitté la Station Uroro.
— Vous serez libre d’aller où bon vous semble tant que vous ne vous laissez pas capturer de nouveau, poursuivit Caedus. Je me dois de vous prévenir que le Coureur explosera s’il est seulement frôlé par un rayon tracteur.
Isolder fronça les sourcils, tentant visiblement de comprendre ce que faisait Caedus puis il dit brusquement :
— Il s’agit du nanotueur, n’est-ce pas ?
Caedus ne fut pas vraiment surpris.
— Très bien, Prince. Je crains que les Moffs ne soient plutôt enclins à l’utiliser contre Tenel Ka.
Isolder plissa les yeux et lui lança un regard méchant. Caedus perçut une envie de meurtre qui s’agglomérait dans la Force.
— Vous n’êtes pas aussi malins que vous le croyez, Jacen, dit Isolder avant de lui cracher dans les yeux. Je préférerais mourir plutôt que de me laisser avoir par votre stratagème.
Caedus poussa un soupir et essuya la salive en se demandant s’il y avait un moyen de convaincre le Prince qu’il ne s’agissait pas d’une ruse. Isolder était persuadé que Caedus tentait de lui faire emporter, sans qu’il le sache, le nanotueur sur le Reine Dragon et il s’agissait d’une hypothèse raisonnable. Mais la question était : Caedus parviendrait-il à le convaincre de la vérité ? Et cela en valait-il la peine étant donné qu’il avait tant d’autres choses à faire, une bataille à remporter, s’occuper de sa sœur... et tuer Luke ?
La réponse était malheureusement évidente.
— Je craignais que vous ne répondiez cela, dit Caedus en attrapant Isolder par la Force. Et la mort est réellement envisageable.
Caedus effectua un geste de torsion avec la main et tourna la tête d’Isolder à l’envers. Un bruit sourd qui fit un peu mal au ventre du Sith s’éleva et le Prince s’effondra à ses pieds, mort avant d’avoir touché la passerelle.
Caedus poussa de nouveau un soupir, puis il prit le comlink dans sa poche et parvint à obtenir un canal plein de parasites pour parler à son aide de camp, Orlopp.
— Je crains que le Prince Isolder ne puisse pas rejoindre son équipage à bord du Coureur de Rayon, dit-il. Dis-leur qu’ils devront partir sans lui.
— ... sûr qu’ils le feront, répondit la voix entrecoupée. Ils sont... fidèles.
Ils ne le feraient évidemment pas. Isolder avait été un grand homme, un bon chef. Aucun équipage décent dans toute la galaxie ne l’abandonnerait.
— Alors il va falloir faire exploser le vaisseau à quai.
(Caedus fit léviter le cadavre d’Isolder grâce à la Force puis partit sur la passerelle en direction de l’infirmerie et de son incinérateur à fusion.) Et faire le vide dans le hangar lorsque ce sera fait. Nous ne pouvons nous permettre de prendre de risques.